Nous avions prévu de passer le long WE du 14 Juillet en famille chez nos cousins à Thonon les bains, je ne pouvais donc pas échapper à l’attrait du Lac Leman qui est omniprésent dans la région. En effet, comment rater le plus grand lac d’Europe centrale? D’une superficie de 581,4km2 dont 348,4 km2 appartiennent à la Suisse et 234 km2 à la France, la frontière se trouve au milieu du lac. Quelques jours avant de partir je réserve donc une journée de guidage pour Greg et moi auprès de Arnaud Fileppi et son organisation « Trophy Pike Fishing ». Comme son nom l’indique, Arnaud est spécialisé dans la capture de très gros brochets, j’avais déjà entendu parler de lui par d’autres guides de pêche et bien sur via les réseaux sociaux etc… Arnaud a fait prendre à ses clients plus de 200 brochets dépassant la mythique barre du mètre, autant vous dire que c’est un énorme exploit, le choix du guide n’a donc pas été difficile et c’est heureux comme des gamins que nous bloquons la journée du 15 Juillet avec lui.
En attendant cela, nous ne résistons pas longtemps après mon arrivée à aller mouiller quelques leurres. Le 13 Juillet nous allons donc pêcher du bord sur des spots à Perche que Greg affectionne particulièrement. Greg pêche régulièrement aux vers et à la mitraillette, à l’ancienne quoi. Bien que cela porte régulièrement ses fruits , pour lui je suis bien motivé à lui montrer la pêche aux leurres mais force est de constater que du bord sur cet énorme lac qui fait en moyenne 150 mètres de fond, c’est assez compliqué de tirer son épingle du jeu lorsqu’on ne connait pas le spot et qu’on a pas le temps de l’explorer! Je suis étonné de la force des vagues de ce lac qui s’abattent sur la petite plage où nous sommes postés et il est assez difficile de lancer des leurres face au fort vent, je fais donc chou blanc tandis que Greg fait 2 « perchettes ». A que cela ne tienne, le lendemain j’arrive à louer un barque à 50€ avec un petit moteur 6cv. Il n’y a pas de sondeur mais j’ai téléchargé la carte du lac sur mon Smartphone et j’espère bien aller taquiner du Pike ou de la grosse perche un peu plus profondément, malheureusement c’était sans compter « la Bise » qui est un vent du nord local et qui a annihilé nos options de pêche, de grosses vagues, de grosses pluies qui partent et qui viennent en un rien de temps. Je ne fais que pester contre les élèments « On se croirait en haute montagne oh !! » Nous ne sommes pourtant qu’à 372 mètres d’altitude. C’est donc trempés mais quand même avec quelques perchettes dans l’escarcelle que nous rentrons tout penauds rendre la barque 2H avant l’heure prévue, nous avons une longue journée de pêche demain et c’est hors de question d’épuiser nos forces.
Le soir nous allons manger dans la baie de « Sechex » dans un super restaurant « Le Jolla » réputé pour cuisiner merveilleusement les poissons du lac. Je n’ai pas été déçu avec leur filets de perche meunière et la fameuse « Féra », la Corégone locale, cuisinée en filet et en tapas (Céviche, Rillette, Soupe et Carpaccio), un délice. En plus le resto est tenu que par de très jolies et gentilles serveuses ce qui ne gâche pas le plaisir. Je dis ça, je dis rien…
Le soir en rentrant nous apprenons l’horreur de l’attentat qui s’est passé dans notre bien aimée ville de Nice. Nous restons bloqués sur les chaines d’infos et nous assurons que nos proches sont en sécurité, je réponds tant bien que mal à tous les messages que nous recevons de la famille et d’amis, à 1H du matin j’ai mal à la tête et je n’arrive pas à dormir, ma femme n’arrivera pas à dormir de la nuit, je remercie le destin de ne pas avoir été touché de près par cette tragédie et le matin lorsque le réveil sonne, je n’ai qu’une idée en tête, la vie est courte et souvent injuste pourtant elle continue pour moi et je compte bien profiter de cette journée et vivre à fond ma passion.
Le matin à 7H45 nous sommes déjà sur le port de Sciez. Arnaud est entrain de mettre à l’eau son magnifique Bass Boat. Un Ranger 600 VS équipé d’un Mercury Verado de 250CV et d’un gros moteur électrique Minn Kota à l’avant, c’est une véritable fusée sur-équipée sur laquelle nous allons pêcher toute la journée. Je ne parle même pas des sondeurs et GPS, il y a 3 écrans sur le poste de pilotage et un écran pour le pêcheur qui se trouve à l’avant du bateau. Une sonde a 360° permet d’avoir un visuel hallucinant de ce qui se passe sous l’eau. C’est sans conteste le plus beau bateau d’eau douce sur lequel je suis monté.
Arnaud m’avait prévenu qu’on devrait apprendre à pêcher en Casting, les anneaux et le moulinet sont inversés sur la canne (ils sont sur le haut) et le moulinet à la bobine qui déroule le fil verticalement. Pour lancer on appuie sur une touche du moulinet qui libère le fil, cela permet d’avoir toujours le contrôle de son lancer ou de la descente du leurre (si on pêche en verticale) mais cela permet surtout de ne pas avoir à enlever et remettre le pick-up à chaque lancer comme en Spinning. Surtout on ne risque pas de se blesser les doigts avec la tresse donc quand on fait de nombreux lancer c’est un gros plus. J’ai déjà un peu testé cette technique mais mon cousin jamais ! On prend donc 15 minutes pour s’exercer et Arnaud juge qu’on est suffisamment prêts pour aller taquiner les gros brocs !
Arnaud nous a fourni tout le matériel, nous sommes équipés des cannes « Meter Over » dont il a assuré lui même le cahier des charges pour le compte de la marque Hearty Rise, comme son nom l’indique ces cannes sont faites pour pêcher des brochets de plus du mètre, elles permettent donc de lancer de très gros leurres. Les Moulinets sont des gros Revo Toro d’Abu Garcia en taille 300 garnis de tresse de 35/100, les bas de lignes sont en fluorocarbone de 80lbs ! Incroyable on pêche comme en exo…. ça promet et j’espère vraiment avoir la chance d’en prendre un.
Il fait beau mais il y a beaucoup de vent, les conditions sont très difficiles, Il y a de grosses vagues, ça souffle dur, nous pêchons avec du matériel que nous ne connaissons pas et avec une technique que nous venons d’appréhender. De plus histoire de pimenter un peu la chose la température du lac a chuté de plus de 10°C en 3 jours et cela modifie considérablement l’attitude des Brochets. Arnaud nous explique que ses clients d’hier n’ont eu qu’une seule touche durant la journée et qu’ils n’ont malheureusement pas réussi à tirer leur épingle du jeu à ce moment là…. Petit coup de pression lol !
Arnaud fait une première passe sur un spot qu’il sent bien, nous sondons en essayant de repérer les boules de perches dont se nourrissent les brochets. Après 10 minutes de navigation on se met en dérive et nous commençons à pêcher dans 15 mètres d’eau avec des leurres de 25cm qui pèsent environ 130 grammes. Le but est d’animer nos leurres dans environ 6-8 mètres. Les brochets qui ont les yeux au dessus de la tête regardent au dessus d’eux, si on est trop bas on les rate, il faut donc bien connaitre la nage des leurres, la manière de les plomber et la façon de les animer, toute l’expérience d’Arnaud nous est bien sûr bénéfique puisqu’on sait qu’on est sur les bons spots et qu’on pêche de la bonne manière avec les leurres de la couleur adéquate (que l’on choisi selon la clarté de l’eau, la couleur du ciel et les habitudes du lacs), maintenant il faut juste espérer qu’un Brochet se décide à attaquer et ça peut être long… Après avoir balancé du leurre pendant 4H sans la moindre touche on décide de faire une pause de 10 minutes pour manger nos sandwichs, on se dépêche car chaque minute que nos leurres passent hors de l’eau sont des chances en moins pour prendre un poisson. On faisant un rapide calcul on se dit qu’on passe 10H sur l’eau. Qu’entre les différentes dérives etc, on doit pêcher véritablement 8H30. A raison de un lancer toutes les minutes et demi, on fait donc 40 lancers par heure, on fait donc environ 360 lancers par jour et nos leurres sont donc 468 minutes dans l’eau. Vu qu’on est 2 pêcheurs ça fait 15,6 heures de temps passé à l’eau et donc d’occasions pour les brochets de vouloir en bouffer un. Ca va mordre oui !?! Arnaud me change mon leurre pour un de ces Esox Toy, un « Tubes », un leurre Home Made qu’il a adapté des leurres nord américains conçus pour pêcher le Muskie (un cousin du brochet). C’est une animation particulière où c’est réellement le pêcheur qui anime le leurre, sans animation il n’y a pas de nage et donc le leurre n’est pas péchant. C’est un peu compliqué à comprendre au début et j’ai peur de ne pas réellement pécher correctement, je demande à Arnaud qui me dit « t’inquiète pas je te surveille, si c’était pas bon je te le dirais ». Ce leurre a fait ses preuves et je sais que j’ai plus de chances de prendre un gros brochet avec celui ci. A 14h ça souffle fort, Arnaud rajoute 2 ancres flottantes au bateau en plus de la fonction « ancre » du moteur électrique afin de dériver plus lentement, il réajuste en permanence notre dérive de manière à ce qu’on suive la bonne trajectoire. Pour Greg et moi ça tangue fort et on doit s’appliquer à bien lancer et à rester debout ! Il faut « peigner » méthodiquement les zones, je suis à l’avant et Greg à l’arrière, nous couvrons 180° en tout avec nos lancers et dérivons à chaque fois sur presque 800 mètres. Il est 15H00 et on est clairement dans le dur, on est en mode « robot » on ne réfléchit plus et nous lançons mécaniquement, on essaye d’oublier qu’on a mal aux lombaires et au bras, j’encourage mon cousin qui n’a pas l’habitude mais qui pourtant ne lâche rien. Vers 16H j’entends Greg et Arnaud discuter et je les vois regarder le leurre que Greg vient de remonter. Il pense avoir eu une touche et le constat du guide est sans appel, le bas de ligne est coupé à moitié sur la longueur, il vient de rater un brochet ! Avec le fort courant et les vagues c’est difficile de bien garder sa ligne tendue et Greg a à peine senti la touche. Je suis déçu pour lui mais je me dis qu’on rentre peut être dans l’heure où les brochets sont en chasse et qu’il ne faudra pas rater une seconde occasion. A peine 2 minutes plus tard alors que j’anime mon Esox Toy, je sens une légère opposition, je ne réfléchis même pas et je ferre immédiatement « poisson, poisson » !!! Je m’empresse de desserrer le frein de mon moulinet réglé à 11 Kilos de 5 crans, pour arriver à 5 kilos. Arnaud vient vérifier et me dit que c’est bon. Il voit la courbure de ma canne et me dit: »c’est un gros ». Je suis calme et concentré, j’ai déjà perdu des gros poissons alors qu’ils étaient bien férrés et je ne crie pas victoire, je pompe calmement mon poisson qui me fait 2 – 3 rushs, je suis surpris par la puissance du poisson et je sais que c’est un gros. Je le vois jaunir à la surface, il est énorme, Greg qui film le combat avec son téléphone me souffle: « oh putain oh putain la bête ». Lorsque le poisson arrive à la surface pour la 3 ème fois, Arnaud le met dans l’épuisette et on hurle de joie tous les 2. Il est aussi content que moi, ça fait plaisir ! Arnaud le prend et le mesure, la sentence tombe, 114 CM ! wouhou, j’en reviens pas. J’ai passé une semaine à patater des leurres en Suède, à prendre une bonne vingtaine de brochets sans jamais dépasser les 90CM ; des amis à moi bien plus expérimentés n’ont même jamais atteint le fameux mètre. Quel bonheur, grâce à Arnaud Fileppi, je rentre dans la catégorie des Meter Over, merci beaucoup. Greg est remotivé et on ne lâche rien pendant l’heure et demi restante mais plus rien ne viendra se prendre à nos cannes. A 18H il est temps de rentrer, Greg a mal partout et bien que n’ayant pas pris de poisson il a beaucoup appris aujourd’hui et a senti le potentiel de ce fabuleux lac qu’il voit tous les jours. Je pense que d’ici quelques temps, il battra mon record de nombreuses fois et c’est tout ce que je lui souhaite.
En partant je dis à Arnaud que je veux garder le leurre avec lequel j’ai pris mon poisson trophée et je veux aussi en ramener un autre couleur chartreux et rouge afin d’essayer cette animation sur les Sérioles. J’espère rapidement pouvoir vous raconter cela ici même lors d’une nouvelle histoire de pêche.
J’ai Arnaud au téléphone le lendemain, son client a fait un 118cm aujourd’hui, cette semaine qui était pourtant très difficile à tous les niveaux a porté ses fruits puisque sur 7 sorties, 6 clients ont réussi à faire leurs métrés ! Je reviendrai très vite pour tenter de battre mon record. Je sais que pour cela il ne faut rien lâcher, quitte à pêcher la même zone toute la journée avec le même leurre, il ne faut rien abandonner. Arnaud vous met dans les conditions idéales mais au moment où les brochets vont mordre, il faudra que votre leurre soit à l’eau avec la bonne animation et ne surtout pas faire la moindre erreur car elle se paiera cash.
Et voici la vidéo:
Fishement Votre
César